Un article qui revient en détails sur le fameux cliffhanger de la saison 5 de DYNASTY puis sur les cliffhangers en général :
(Il s'agit d'un article sur le net datant de 1995 (!) dont je n'arrive pas à recopier le lien j'ai donc fait un copié collé du texte ci-dessous).
"Séries, suspens et grosses ficelles."
Médias
Séries, suspens et grosses ficelles.
28 juillet 1995 à 06:44
Enquête Le «cliffhanger», ou comment garder son public entre deux épisodes.
Par LOÏC PRIGENT
Quand l'audience de Dynastie s'essouffle, les scénaristes n'hésitent jamais. Faut-il mettre rapidement au point un mariage princier entre Amanda, la fille de Joan Collins, et un prince moldave? Foin d'invraisemblance. Ils le font. Tous les acteurs de la série se retrouvent donc pour la cérémonie. Musique classique en fond sonore, montage cut très appuyé. Les plans sur le mariage alternent avec ceux du préparatif d'un commando de simili-Serbes. Amanda (jouée par Catherine Oxenberg, l'actrice qui a incarné lady Di à la télévision anglaise, c'est dire si le parallèle avec le mariage de Charles et Diana est évident), pénètre dans l'église, revêtue d'une robe top-chochotte. Le commando élimine les gardes de sécurité. Il est désormais sur le toit de la chapelle, il descend en rappel. Christle Carrington est dans une robe Valentino assourdissante. Les méchants mercenaires brisent les vitres et flinguent tous le casting du feuilleton à la mitraillette. Et nous voilà partis pour dix minutes de pur carnage.
Incroyablement, la saison de Dynastie se terminait donc sur un enchevêtrement de corps en Christian Dior, par l'image de Joan Collins avec une balle dans la tête, des acteurs tous inanimés, tous ensanglantés, tous morts. Frisson et jubilation. Et un des plus beaux exemples de cliffhanger (ne pas confondre avec le Stallone du même nom), ce truc de scénariste pour relancer l'intérêt éventé d'un feuilleton. Qui va survivre? Qui est mort? Les survivants vont-ils finir prisonniers politiques? Mais quel est ce commando?
Cliffhanger signifie littéralement: un homme accroché à une falaise, sur le point de tomber. Au début du siècle, Louis Feuillade a déjà usé et abusé de la technique pour effrayer son public et faire grimper l'attachement au feuilleton. Ce système de suspens absolu a été mis au point par les scénaristes américains pour tenir les aficionados d'une série en haleine durant la coupure d'été. Faire tonner le générique juste au moment où les héros en sont à un point très critique permet non seulement de faire monter l'audience, mais aussi de peser sur les producteurs au cas où la chaîne déciderait de ne pas reconduire la série à la rentrée.
Le cliffhanger le plus légendaire sur 625 lignes, reste l'immémorial «Qui a tué J.R.?» dans un Dallas actuellement rediffusé sur TF1 (pile à la même heure que Dynastie sur France 3, mais de qui se moque-t-on?). Il gâcha tout un été 1980 (1982 en France) auprès de millions de pauvres Dallas potatoes.
Toutefois, le plus gros cliffhanger de la télévision américaine reste celui du Fugitif qui, de 1963 à 1967, tint en haleine pas moins de 70% d'audience sur la simple, quoique ténue, question: «Qui a tué Hélène Kimble?» Souvenons-nous: son pauvre mari, l'éploré docteur Kimble, sera poursuivi pendant près d'un lustre par des scénaristes sadiques pour ce crime qu'il n'avait pas commis... Plus récemment, les producteurs de Melrose Place, tous les samedis sur TF1, ont littéralement fait exploser l'immeuble éponyme et central du feuilleton. Explosions de frigo, et grosse polémique aux Etats-Unis où les âmes sensibles ont mal vécu la coïncidence avec l'attentat d'Oklahoma, imposant une censure sur les scènes les plus dures de ce cliffhanger. A l'heure qu'il est, nul ne sait ce qu'il va advenir en octobre des héros, même si les producteurs ont concédé qu'«un ou deux personnages allaient bel et bien décéder». Cette grande tradition de suspens de fin de saison ne se retrouve pas vraiment en France. Ici, les seules sagas sont des séries estivales qui doivent se terminer net sur une note positive, et où le suspens intolérable n'a de place qu'à la fin d'un épisode (cf. les Coeurs brûlés et le Château des Oliviers). En revanche, le cliffhanger est devenu un vrai lieu commun de la télévision américaine avant la mise en place des grilles d'été. Dans la semaine du 12 au 19 mai dernier, on recensait pas moins de 21 cliffhangers sur les télés US, sujet des pires exagérations et des pastiches les plus délirants. Le dernier épisode des Simpsons de Matt Groening diffusé mi-mai sur la Fox est un véritable jeu de piste au milieu duquel l'ignoble monsieur Burns, propriétaire de la centrale nucléaire de Springfield et patron d'Homer Simpson, se fait tirer dessus. Tous les personnages du dessin animé ont des mobiles de crime valables ou des alibis défaillants. La presse télé du cru a appelé à enregistrer l'épisode pour mieux recenser les innombrables indices du casse-tête. Réponse à l'automne.
En 1990, Mark Frost, le scénariste de Twin Peaks, a fait du dernier épisode de la première saison un modèle hystérique du genre. En un temps record, on assiste à un suicide, deux disparitions dans un incendie géant, une tentative de meurtre à la hache, un assassinat, une situation improbable où Audrey Horne est sur le point de se faire violer par son père. Et, clou du spectacle, Dale Cooper, héros absolu du feuilleton, qui se fait tirer dessus à bout portant par une main gantée. L'épisode a fait scandale aux Etats-Unis, tant le pastiche était gros et se moquait de la seule question qui préoccupait l'Amérique: «Qui a tué Laura Palmer?» Mark Frost et David Lynch ont noué à l'extrême les ficelles de la tragédie grecque avec les astuces-clichés de scénario des séries américaines depuis les années 50: la règle veut que, dans un premier temps, on donne des solutions aux énigmes qui ont constitué l'intrigue de la saison, puis, dans une deuxième partie, on pose les jalons de nouvelles intrigues.
Pour qu'un cliffhanger soit vraiment haletant, il faut savoir mélanger toutes les intrigues, et surtout mettre au point une fin surprenante à vous donner une crise d'asthme. Cela se fait souvent sans que les scénaristes aient défini à l'avance la manière dont le monstre allait retomber sur ses pattes. On finit par oublier qu'il faudra un dénouement crédible. Après la fameuse fusillade de Dynastie en Moldavie, les scénaristes oseront ainsi faire croire que seul le gênant Luc, amant de Steven, sera décédé. Autre exemple parmi tant d'autres: dans Côte Ouest, une saison se termine sur l'image de l'infâme Jill Bennett morte dans le coffre de la voiture de Gary «baudet» Ewing. A la rentrée, pas moins de trois épisodes pataugeront dans une choucroute improbable, pour essayer de nous convaincre que l'ex-femme rancunière s'est étouffée toute seule dans l'auto de Gary, dans le seul but de faire du mal! On s'enfonce aussi dans l'ubuesque pur avec The Colbys, série jumelle de Dynastie, hélas! inconnue en France, où Fallon «brushing killer» Carrington se fait enlever par des martiens verts dans une soucoupe volante... Pour revenir en pleine forme à la saison suivante, sans même nous dire un petit mot de son excursion intergalactique.
Plus cheap encore, les cliffhangers de sit-coms quotidiens tels Santa Barbara avec les 832 tentatives de mariages avortées de Eden et Cruz, les 2.500 assassinats de Mason, et les centaines d'années de comas prolongés de tous les acteurs, à tour de rôle.
L'esthétique du cliffhanger s'est à ce point popularisé qu'il est passé dans la pub avec le couple Nescafé, ou que l'excellente et rotative CNN finit chaque retransmission du procès d'OJ Simpson (grâce à l'aide active du juge Hito) sur une note de suspens cliffhangerien. Et d'ailleurs, au fait, mais qui a tué le petit Grégory?.[i]